Nul besoin de grands discours pour nous rappeler quelques faits essentiels, que nous oublions néanmoins à la moindre contrariété. Souvent nous considérons que la joie est un peu banale, et nous nous attardons sur nos souffrances, que nous nourrissons avec des émotions négatives, que nous entretenons avec des pensées récurrentes et illusoires. Nous sommes plus programmés à relever les moments d’insatisfaction plutôt que de nous réjouir des moments de bonheur, qui sont souvent les plus simples. Mais comme nous vivons dans nos pensées, dans ce monde illusoire de notre mental, alors nous n’avons pas assez de présence à consacrer à l’instant présent, le seul qui puisse honorer notre bonheur. Outre le travail constant que demande la pleine consciente, il est malgré tout, assez facile de se souvenir de la chance que nous avons. Nous nous plaignons souvent ou alors nous entendons nos proches se plaindre. Mais nos plaintes sont-elles justifiées? Sont-elles le fruit d’un constat mené avec discernement, ou alors la résultante d’un désir insatisfait donnant lieu à une multitude d’illusions quant à notre propre valeur ou le sens que l’on donne à notre vie ? Chacun est libre de mener ce travail d’introspection avec lui-même et de trouver en son cœur, sa propre vérité sur son existence. Cependant, nous pouvons nous encourager les uns et les autres à ne plus sombrer dans les méandres de notre pensée discursive qui nous balade d’une illusion à une autre, menant souvent à une dévaluation chronique de notre Vie. Ainsi, rappelons-nous la CHANCE que nous avons et soyons plein de GRATITUDE car : Nous pouvons satisfaire notre soif à chaque instant avec l’accès à l’eau potable. En avons-nous seulement conscience ? Lorsque notre eau potable coule directement chez nous, que nous procédons à notre hygiène avec, nous sommes très chanceux car nous pouvons satisfaire un besoin inhérent à notre condition d’être humain et nous avons cette dignité de pouvoir nous laver et nettoyer nos vêtements. Rappelons-nous alors que selon l’OMS[1], 2,4 milliards de nos semblables ne jouissent pas du même confort. Rappelons-nous que, selon Gérard Payen[2], 1,8 milliard d’êtres humains consomment une eau dangereuse pour leur santé, et élèvent des enfants dans ces conditions. Alors remercions la Vie de nous pourvoir d’une eau potable en abondance car cela représente une véritable chance. Nous mangeons à notre faim. Lorsque nous faisons nos courses dans une grande surface et que nous flânons dans ce bain d’opulence, avons-nous conscience que nous sommes des privilégiés ? Nous remplissons notre panier sans prendre conscience de l’immense chance que nous tenons entre nos mains. Nous pouvons déjà remercier la Terre de mettre en œuvre une multitude d’éléments qui aboutissent à la l’éclosion de milliards de bourgeons de fleurs qui donneront des fruits. Nous pouvons remercier ces animaux qui meurent à longueur de journée dans de sordides conditions pour satisfaire notre palais. Nous pouvons remercier les agriculteurs qui exercent un métier épuisant et qui œuvrent pour nous nourrir. Mais surtout, soyons reconnaissant de la chance que nous avons de pouvoir nous sustenter à volonté car, selon le Programme Alimentaire Mondial, 66 millions d’enfants dans le monde partent à l’école le ventre vide, 1 personne sur 9 dans le monde souffre de la faim, 3,1 millions de petits enfants de moins de 5 ans meurent chaque années faute d’avoir pu être suffisamment nourris[3]. Ainsi soyons plein de gratitude à chaque fois que nous mangeons car notre repas est un don. Nous sommes logés dans des conditions convenables. C’est un acquis pour beaucoup d’entre nous et pourtant, la Fondation Abbé Pierre, relève que 3,8 millions de français sont mal logés, avec près de 900 000 personnes privées de logement personnel[4]. Au niveau mondial, en 2013, le Programme des Nations Unies pour l’Habitat estimait à 862 millions, le nombre de personnes vivant dans un bidonville, c’est-à-dire dans un habitat informel, construit avec des matériaux de récupération, dépourvus d’eau courante et d’électricité à titre individuel. L’extrême promiscuité et l’insalubrité de ces bidonvilles sont source de nombreuses maladies. Prenons alors conscience de notre chance de vivre dans un habitat en dur, doté de confort et de chaleur, dans lesquels nous nous sentons en sécurité et dont les conditions permettent d’élever des enfants en toute sérénité. Nous avons accès à l’éducation. Certains diront que notre éducation est un formatage de l’esprit et que nous serions mieux sans. Mais compte tenu du paradigme actuel, il me semble des millions d’enfants seraient encore ravis d’avoir accès à la scolarité pour entrevoir les possibilités d’ascension sociale qui les sortiraient, ainsi que leurs familles, d’une grande misère. Selon l’Observatoire des Inégalités, 61 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne l’étaient pas en 2010[5]. Les filles sont en majorité touchées. L’école n’est pas juste un moyen d’apprendre, mais représente souvent un lieu de vie à travers lequel les enfants peuvent avoir accès à un repas complet par jour, un accès à des soins médicaux, une écoute professionnelle, l’accès à des jeux et outils d’éveil qu’ils ne peuvent avoir chez eux. Si les méthodes d’éducation sont largement contestables, avoir accès à l’éducation est une immense chance pour nous et nous devons en prendre conscience. En France et dans de nombreux pays, nous sommes les citoyens d’un Etat dont les valeurs permettent la liberté d’expression, de culte, de rassemblement et dans lequel nous pouvons exercer librement notre vie spirituelle et religieuse sans faire l’objet d’une oppression. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir nous rassembler pour célébrer notre spiritualité, qu’il s’agisse d’une religion, de chamanisme, de philosophie, de danse sacrée, de méditation zazen ou toute autre pratique nourrissante pour notre esprit. De la même manière nous avons beaucoup de chance de pouvoir transmettre à travers la parole, l’écriture et l’art. Et bien que nous puissions toujours faire mieux en matière de liberté, si nous observons un peu le monde, nous comprendrons que tous nos semblables n’ont pas la même chance que nous. Ouvrons les yeux sur ce que nous considérons comme acquis, et qui peut disparaitre si vite pourtant, nous avons une famille, des amis, des animaux de compagnie. Nous pouvons partager tellement d’amour avec eux. Soyons reconnaissant pour leur amour et leur présence, c’est un don de leur cœur. Soyons reconnaissant pour la beauté et l’harmonie qui se dégagent de la Nature et que nous ne saurions voir qu’en pleine présence de cet instant de grâce. La Vie en elle-même est beauté et harmonie mais nous ne saurions le voir, derrière ces voiles d’illusions. La gratitude guérit cet aveuglement de l’esprit alors ayons la présence de la cultiver. Il existe une infinité de raisons de prendre conscience de notre immense chance comme notre bonne santé, le fait d’être respecté, de réunir les critères de dignité humaine, d’avoir rencontré des enseignements spirituels, d’être épris de notre bien-aimé(e), de voir grandir nos enfants etc. Les enseignements du Maître Thich Nhath Hanh vont bien plus loin dans la gratitude que nous pouvons ressentir à chaque instant, appréciant non seulement nos conditions d’existence mais surtout l’existence elle-même. La gratitude a un véritable pourvoir transformateur et d’acceptation. La prochaine fois que nous nous surprenons en train de nous morfondre ou de nous plaindre sur notre sort, sur nos frustrations, sur nos désirs insatisfaits, rappelons-nous que nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin et que la seule chose à faire est d’ouvrir notre cœur à l’instant présent, qui est le seul à pouvoir nous combler de bonheur. Comme le dit le grand Maître Bouddhiste Taisen Deshimaru, « Si vous n’êtes pas heureux ici et maintenant, alors vous ne le serez jamais. »