HJ Lim est une pianiste sud-coréenne, formée en France, virtuose de ses mains et de son âme, elle joue du piano comme l’on médite, avec cette profondeur d’être qui témoigne d’un parcours de vie très singulier. Forte d’une volonté sans faille et d’une grande intelligence, Lim, transcende les épreuves de la vie pour tendre vers son rêve. Mondialement connue et reconnue comme ayant abordée les œuvres parmi les plus complexes à interpréter, elle publie ce mois-ci son premier ouvrage « Le son du silence » dans lequel elle nous confie « La musique est mon antre, mon refuge, l’espace familier le plus intime ». La pianiste, au-delà de sa virtuosité, pratique la méditation bouddhiste depuis plusieurs années. A l’âge de 16 ans, et après un début de vie rude et sévère, Lim part effectuer une retraite méditative auprès d’un vénérable bouddhiste près de Francfort. C’est alors qu’elle rencontre « quelque chose de plus grand que l’amour de ma mère, plus sûr que le piano, plus immense que la musique ». Appelée par la pratique, elle songera à devenir nonne mais en fût dissuadée par le vénérable. Aujourd’hui, Lim fait l’immense honneur d’accorder à Méditations & Actions, une petite interview sur sa pratique et sur la place de la méditation dans sa vie de virtuose.
Chère Lim, pourrais tu expliquer à nos lecteurs comment la méditation est véritablement entrée dans ta vie ? Comment y as-tu été initiée ?
J’ai été premièrement initiée à la méditation à l’âge de douze ans, j’aimerais dire car en arrivant en France et en ne parlant pas un mot de français, je ne comprenais rien et ne pouvais pas parler non plus. C’était un peu comme une méditation de silence « forcée » sauf que dans mon cas, cela a duré des mois ! Car j’étais alors obligée d’observer, de garder le silence, d’être dans le présent intensément et totalement, simplement exister. J’étais dans un état naturel de pleine conscience, mon esprit était en expansion continuelle. Malgré l’immense frustration du départ, cela a été finalement un formidable voyage intérieur. Ensuite, à l’âge de 14ans, je me suis rendue compte, un beau jour, tout d’un coup, qu’en respirant par le ventre, j’étais beaucoup plus paisible, avec moins de colère noire au piano ! Cela a l’air de rien du tout, d’une simplicité déconcertante, mais ça a changé ma vie du tout au tout. Comme une purification intérieure grâce au souffle pour faire entrer la lumière.
Puis la méditation bouddhiste m’a été enseignée à l’âge de seize par un maître zen coréen en Allemagne avec une instruction précise qui mettait l’accent sur l’union du moi avec tout ce qui nous entoure, à commencer par la nature. Ça, c’était plutôt rigolo !
Tu nous livres ce message dans ton livre : « Quand on commence à voir les choses de différentes manières, alors on prend conscience que l’on est profondément relié aux autres. C’est cette interdépendance que j’essaye de vivre avec la musique » La pratique de la méditation a-t-elle un lien avec la découverte de cette interdépendance dont tu nous parles ?
La méditation semble nous aider à nous décentrer et nous placer sur le point de vue de l’autre et le comprendre plus aisément. Paradoxalement, en nous décentrant de notre petit égo, la méditation permet de retrouver notre centre, la racine, notre vrai nature, cette essence qui nous relie à tous. Elle nous fait taire le bruit incessant des petites voix et laisse apparaître enfin le ciel bleu limpide qui se cache derrière. Certains y ressentent Dieu, d’autres la nature de leur esprit, moi je ressens l’Harmonie et je réalise profondément que tous, sans exception, nous avons cette essence qui nous constitue, mais qui est voilée souvent par les brouhahas des pensées. Alors elle n’est pas à chercher, mais à révéler. Par cette essence qui est la même pour tous les être vivants, nous sommes absolument Un et interconnectés et reliés entre nous. Comme les doigts d’une main qui semblent séparés de surface mais sont tous reliés si l’on laisse apparaître la paume.
Quel type de méditation pratiques-tu aujourd’hui ? Pourrais-tu nous décrire ta routine méditative et le temps que tu accordes à ta pratique ?
Aujourd’hui, chaque geste, dès qu’il a été effectué avec la présence d’esprit, devient une méditation. Lorsque la paix est présente dans le cœur, alors je suis en méditation, que je sois en mouvement en train de faire du vélo, de marcher ou jouer du piano, tout devient méditation.
La musique, spécifiquement à ton niveau, requiert beaucoup de rigueur, de discipline et de concentration.
Quelles qualités ou états d’être, la méditation a-t-elle développé en toi ?
Je me dédouble au piano avec une personne qui joue, et une qui écoute. Comme un réalisateur qui serait là-haut avec l’acteur en bas au piano, le réalisateur voit et entend toute la situation avec recule et il peut faire faire tout ce qu’il veut à l’acteur avec totale liberté. Et l’acteur est en abandon total.
La méditation me permet de réfléchir d’abord et agir ensuite et éviter des actions inconscientes et impulsives. J’y arrive de plus en plus mais il me faut toujours rappeler à l’ordre ma présence d’esprit !
Tu es aujourd’hui proche de ton maître spirituel, le Vénérable Seongdam, de grande renommée en Corée du Sud. Que pourrais-tu nous transmettre sur le lien qui lie un disciple à un maître spirituel ?
De quelles manières les enseignements que tu as reçu et que tu reçois te guident-ils sur ton chemin de vie ?
Il m’a appris l’état de non-jugement. La spiritualité et la musique étant inséparable, c’est une joie de pouvoir donner des concerts avec le Vénérable Seongdam qui ne peut dissocier le chant de la prière. Ce chant de Jitsori, musique traditionnelle coréenne chamanique, il l’a chanté durant 30 ans tous les jours lors de ses rituels et cérémonies spirituelles pour accompagner les êtres vers la lumière. La puissance lumineuse de sa voix transmet une énergie très positive à tous ceux qui l’écoutent.
La musique classique exprime l’amour, le romantisme, désespoir, tourment, la manifestation de toutes les gammes émotionnelles d’un homme. Le chant de Jitsori touche le monde spirituel depuis l’état de non-jugement. C’est la musique du non-manifesté. Cette rencontre musicale de l’Occident-Orient, Yin-Yang, met en valeur l’autre réciproquement.